Tuesday, June 07, 2005

La petite phalange frémissante de Sa Sainteté Benoît XVI

Ce dimanche 24 avril, BBC World nous offrait un panel de théologiens britanniques, évêques, hommes d’église et de médias, pour nous commenter la première grand-messe de Benoît XVI et surtout pour nous faire voir, à travers leurs analyses, comment le personnage Ratzinger va pouvoir s’inscrire dans la lignée papale. On nous a parlé de continuité, de contact avec la foule des fidèles, mais aucun n’a montré une conscience, même approchée, de cette dimension proprement charnelle qui fait, entre humains, la sympathie, l’aura, le charisme comme on aime dire aujourd’hui. C’est pourtant une condition indispensable pour construire ce ‘culte de la personnalité’ qui, à l’époque des médias, fait réellement les leaders politiques et les pasteurs à succès.
Les commentateurs ont tous entendu que cette première homélie de Benoît XVI montre qu’il ne sera pas seulement le théologien brillant et rigoureux qu’il est déjà, mais qu’il sera aussi un grand meneur d’âmes, sur les traces de son prédécesseur, Jean-Paul II.
Apparemment tous ces spécialistes sont, comme le cardinal Ratzinger, des hommes de pensée, de dialectique, de scholastique, de parole désincarnée. N’ont-ils jamais appris les rudiments du langage corporel, ces expressions non-verbales que nous partageons avec les animaux et que les behavioristes nous ont expliquées depuis maintenant près d’un siècle ? Aucun d’entre eux n’a donc vu cette différence énorme entre Jean-Paul II et Benoît XVI : le nouveau pape n’a pas de corps !
Ou plutôt si, excusez-moi de l’exagération : il y a, on l’a très bien vu, lorsqu’il est submergé par une vague de charité fraternelle et qu’il cherche à communiquer, à bénir, à sourire à la foule des croyants qui l’acclament, il y a alors un frémissement, un frétillement presque, de la dernière phalange de ses longues mains fines ! D’abord ses bras sont devant lui, baissés, tout en retenue. Puis il les lève, en un geste de marionnette, un peu raide et emprunté, comme s’il s’inspirait de Michael Jackson. Mais soudain, secoué d’émotion, le bout des doigts tremble.
Un petit rien de corporel qui en dit beaucoup : un soupçon d’esthétisme, une petite phalange d’androgynie, comme un souvenir, presque, d’un corps qu’il a certainement soumis à son intellect dès les premiers mois du séminaire.
Jean-Paul II était un sportif, un bon mangeur, un ancien acteur tragique, un ex-petit amoureux, un syndicaliste au débat truculent.
Il était, comme vous et moi, un corps tout autant qu’un cerveau. Et c’était là, de toute évidence, la première source de son énorme succès de par le monde et tout spécialement auprès de la jeunesse. Jusqu’à son agonie, son corps a toujours parlé clair et vrai. Et cela rendait ses discours authentiques et donc intéressants.
Pour sûr, nous avons, avec Benoît XVI, une grande intelligence de la sémantique religieuse, une réelle référence théologique, une garantie de ne pas voir l’église tomber dans les travers de l’évangélisme télévisé à l’américaine. Il protégera le message de son église pour qu’il puisse éventuellement refleurir en temps opportun, dans des siècles à venir. Mais il ne faut pas en attendre un succès international, ni surtout un ‘développement du segment géographique du marché du catholicisme’ comme l’avait si bien réussi Jean-Paul II. On ne peut pas être à la fois Saint Thomas d’Aquin et un champion du marketing religieux. On ne peut pas garantir la pureté du produit et multiplier les acheteurs !
Mais il n’en reste pas moins que cette petite phalange frémissante est un bon signe. Tout n’est pas mort dans cet homme. Elle montre peut-être un remord brûlant de n’avoir pas été suffisamment artiste, un désir inavoué de pouvoir, un jour encore, applaudir un opéra, un regret inconscient d’avoir retenu des caresses trop peu mystiques. Ce pape arrivera, par de laborieux exercices, à flatter de la main la tonsure de jeunes diacres brésiliens, voire même africains !
Mais n’attendez pas de lui une franche écoute des femmes, il en a trop peur : tant de corps pour si peu d’âme ! Mais j’exagère encore une fois : je le vois très bien accorder une audience à Arielle Dombasle, comme lui tant d’âme dans si peu de corps…